Lucie arrive [libre]

Comme à mon habitude, alors que je n'avais pas de client pour les cinq prochaines heures, je prenais une marche dans Creek's Down. Je faisais ça depuis un certain temps, ce qui m'avait permis de mieux connaître la ville. J'étais donc venu voir le quai, qu'ils avaient dû réparer à cause de vagues trop fortes il y avait quelques semaines. Comme je regardais l'eau onduler bruyament, j'aperçus au loin un navire tout à fait normal. En le voyant arriver de plus en plus près, je me mis à m'imaginer une vie de marin ou de pirate, une vie de débauche sur un navire de guerre, les malheurs d'un amour semi-aimé...

Le bateau accosta et à mesure que les passagers, très peu nombreux, descendaient de l'embarquation, je me dis que la vie de matelot n'était pas une bonne chose pour moi parce que j'avais le mal de mer. C'est alors qu'une jeune femme descendit le long de la rampe. Elle n'avait pas beaucoup de bagages, un simple sac. Lorsqu'elle longea le quai en scrutant la ville comme si elle cherchait quelque chose, je me dis que personne ici n'avait de famille et qu'elle ne devait pas en avoir non plus. À Creek's Down, personne ne lui ressemblait. Je m'approchai donc d'elle, espérant peut-être me faire une nouvelle amie.

-Bonjour, vous cherchez quelque chose?

[J'adore le prénom de ton personnage]

La jeune femme semblait surprise de me voir arriver derrière elle, comme si j'étais une sorte de fantôme, ou même un pervers sexuel qui cherchait sur les quais les belles filles pour en faire mes soupers. En réalité, je la comprennais, je ne soignais jamais mon apparence et j'étais de plus en plus vieux. Je n'étais plus aussi jeune que je l'étais avant.

-Il est par ici. Au fait, je suis le médecin du village, Christian Olivier.

Je lui montrai du pouce la colline où se dressait la villa. Je lui présentai ensuite ma main en me nommant. Je fus un peu déçus de ne pas lui sourire. D'un autre côté, comme je ne souriais jamais, je n'avais pas à m'en faire, elle finirait bien par comprendre que j'étais comme ça.

-Je peux vous aider avec vos bagages? Ou vous avez seulement ce sac?

Lui proposais-je gentiment. En fait, si j'avais été à sa place et que je me serais fait abordé par un homme qui semble sale, je ne lui aurais rien confié. Mais peut-être était-elle différente, avait-elle un grand coeur et allait-elle passer par dessus un détail aussi mineur que ma barbe mal taillée.

[merci^^]

Je plissai les yeux comme le font les gens qui sourient. Moi, par contre, je ne souriais jamais. J'hochai par contre la tête en signe d'approbation, elle voulait emporter son sac. Je commençai donc à marcher vers les bruits du village où la route vers la villa était accessible.

-Vous êtes ici pour un bout ou juste pour des vacances?

J'allais tout de même lui parler. C'était nul de rester muet quand on pouvait rencontrer de nouveaux gens. D'un autre côté, si nous nous connaissions maintenant, peut-être allait-elle être moins confuse lors de ses visites à la clinique. Peut-être qu'elle n'y viendrait jamais, mais mon but principal n'était pas là.

Je tournais mon regard vers le ciel nuageux qui régnait en permanence dans le secteur pendant qu'elle me parlait. Ce fut bref mais précis.

-Non, je serais devenu fou sinon! Le village lui-même sent le renfermé, personne ne part d'ici ni ne vient, c'est toujours pareil, la routine me rendrait fou!

Nous passâmes en face de la clinique et je me permis un coup d'oeil bref pour m'assurer qu'aucun client n'était en avance.

-Et tous ces gens qui paniquent avec des bruits, des murmures, ou n'importe quelle stupidité qui se passe dans le coin. Je vous assure, il n'y a rien ici, ce sont des sotises! Si vous voulez, on pourrait même aller faire un tour dans l'ancien village, c'est là que les gens croient avoir vu le plus de phénomènes. Entre vous et moi, ce sont toujours les gens qui reviennent le plus souvent à la clinique pour troubles alcooliques ou overdose!

Je gardai mes réactions pour moi quand elle me donna sa réponses. La ville était pleine de vielles femmes sans attention, de malades mentaux et de gens trop étranges. En fait, ce n'était peut-être pas une très bonn ville pour moi.

-Peut-être, mais je n'ai encore rien vu qui pourrait me faire changer d'avis. Bien sûr, si vous y croyez, je ne vous jugerai pas. Ce n'est pas parce que des gens bizarres viennent dire qu'ils ont vu des choses étranges que je vais généraliser, ce n'est qu'une majorité.

Je me râclai la gorge, jettant mon regard vers l'ancien village.

-Vous devez être dans la minorité qui a du bon sens ici. Nous sommes très peu nombreux.

J'hochai la tête en signe d'approbation. Àpart les gens qui y restaient, le village était assez joli. La villa des Van Mortier était très élégante et même l'ancien village restait, sur photos, très ravissant.

-Ho oui, vous avez raison. C'est très élégant. Je vous conseille un tour en haut de la colline, sur la gallerie de la villa, on y a une excellante vue de la ville.

J'avais l'impression de parler beaucoup trop.

-J'ai l'impression de parler beaucoup. Ça vus dérange? À l'habitude, je me tais et j'écoute les autres.

Je marquai un silence, marchant vers la villa. Ce silence devenait un peu lourd, comme étranger au début de la conversation. En réalité, nous changions souvent de sujet, ce qui signifiait que nous n'étions pas très à l'aise et même assez différent.

-C'est que je déteste les silences. Vous faites quoi comme travail?

Demandais-je en passant devant les quelques maisons de la rue principale. Je partageais l'une d'entre elles avec la propriétaire du bar. En réalité, nous ne nous voyions pas souvent et n'étions qu'amis. J'avais dû la croiser une ou deux fois dans la maison puis trois ou quatre fois dans le bar ou à l'extérieur. À part de ça, elle m'était une femme inconnue.

Lettres et histoire. S'il y avait bien des études qui m'ennuyaient, c'était bien lettres et histoire. En réalité, je n'avais jamais été très bon en histoire.

-C'est un très bon choix. Je ne sais pas pourquoi, mais chaque chose coûte moins cher ici. Il est très possible de vivre ici 1 an comme on en vivrait six mois ailleurs.

Nous approchions de la villa, assez lentement. Comme nous approchions, les murs blancs se faisaient plus luisants, les maisons autour se faisaient par contre plus rare.

Comme nous nous éloignions du quai, le vent soufflait moins fort, mais nos cheveux demeuraient tout de même balancés par le faible vent qui reignait en permanence à Creek's Down. La voix de Lucie retentie encore une fois dans le nouveau vide qui emplissait la route vers la villa.

-Oui, ils sont gentils. Un peu froids au début, mais assez sympathiques en gros. En fait, vous pouvez déjà en juger par vous-même.

Les quelques habitants de Creek's Down que j'avais pu rencontrés s'étaient tous présentés de la même façon. Les gens de la place étaient assez timides et il fallait aller vers les gens faute de quoi il n'y aurait aucun contact.

-Par contre, les habitants sont timides. N'aillez pas peur de foncer, tout le monde est pareil ici.

J'hochai la tête. J'étais différent? Oui, je ne me privais pas de connaître les gens seulement en regardant leur démarche.

-Effectivement. Mais c'est dans mon travail, je dois parler avec les gens, je dois les connaître, les mettre en confiance. C'est ce que je dois faire tous les jours, alors hors travail, ça devient une sorte de tic!

Le sol devenait maintenant différent que précédemment. Maintenant, il était plus dur, comme si ce chemin existait depuis toujours, contrairement au reste.

-C'est un très bel endroit ici. À cause de cette étendue d'eau, il vente toujours, ce qui nous met en bonne température, ni trop froid, ni trop chaud. Et le meilleur de tout, c'est qu'il n'y a jamais de mouches dans le coin. Sincèrement, je pense que je vrivrai toute ma vie ici juste pour ça!